Les marchés tiennent bon malgré la hausse des taux et les menaces de récession. Le résumé de la semaine.
Goldwasser Exchange fait le point sur ce qu’il faut savoir pour commencer la semaine.
Les marchés en phase de consolidation.
Rien de notable à signaler cette semaine. Les indices ont peu évolué. Le Stoxx 600 termine en hausse de 0,25%, le S&P 500 recule de 0,69% et le Nasdaq de 1,57%. Tesla a perdu 8% en raison de perspectives moroses sur le marché des véhicules électriques et des déboires d’Elon Musk après sa reprise de Twitter. L’euro a oscillé dans la fourchette 1,03-1,04 dollar. Les taux obligataires sont restés stables excepté le taux US à deux ans qui est remonté à 4,53%, une indication que les investisseurs s’attendent à la poursuite de la hausse des taux directeurs. Grâce au rallye de ces dernières semaines, les bourses américaines et européennes ont pu réduire leurs pertes. Le Stoxx 600 est en recul de 11,17% sur l’année alors qu’il perdait plus de 20% fin septembre. Le tableau de bord I/B/E/S de Refinitiv en date du 15 novembre montre que les actions européennes font preuve d’une belle résilience. Le bénéfice moyen des 272 entreprises (hors secteur énergie) ayant déjà publié leurs résultats Q3 est de 13,1% et près de 60% d’entre elles ont dépassé les attentes. Elles font mieux que les 460 sociétés américaines du S&P 500, dont le profit moyen recule de 3,6%.
Un taux US plus élevé que prévu.
Plusieurs membres de la Fed ont fait des déclarations allant dans le sens d’un resserrement du crédit plus important que prévu. Pour James Bullard, le taux directeur US devrait atteindre “au minimum” 5%-5,25% et rester à ce niveau pendant une période suffisamment longue afin d’éviter les erreurs commises lors des années ’70. De son côté, Goldman Sachs a également relevé à 5%-5,25% son estimation du pic qui sera atteint par le taux directeur en 2023. La banque d’affaires table sur une hausse de 50 points de base en décembre, suivie de trois hausses de 25 points en février, mars et mai 2023. Pour Bloomberg, cette hausse des taux conduira à une récession au deuxième semestre 2023, frappant prioritairement les secteurs qui reposent sur le crédit (immobilier, automobiles, biens durables). Plus de deux millions d’Américains perdront leur emploi. Les vagues de licenciement que connaissent actuellement les sociétés technologiques (Amazon, Meta, Coinbase, Snap), un secteur sensible à la hausse des taux, sont un avant-goût de l’année 2023.
Du sang et des larmes.
C’est ce qu’annonçait Churchill aux Britanniques au lendemain de Dunkerke. Toutes proportions gardées, c’est un peu le sort qu’a réservé Jeremy Hunt à la population dans sa déclaration du 17 novembre. Pour combler le déficit budgétaire de 55 milliards de livres sterling, il compte à la fois réduire les dépenses (30 milliards) et augmenter les impôts (25 milliards). Une taxe extraordinaire sur les entreprises du secteur énergétique devrait rapporter 14 milliards et le seuil de la tranche supérieure de l’impôt sera abaissé de 150.000 à 125.000 livres. Si Jeremy Hunt refuse de plafonner les bonus des banquiers, il accepte d’indexer les pensions et allocations sur l’inflation (qui a atteint 11,1% en octobre) et octroie une enveloppe supplémentaire de huit milliards à la santé et à l’enseignement. Les projections de l’”Office for Budget Responsibility” accompagnant ce budget sont peu réjouissantes. Le revenu moyen disponible des Britanniques sera amputé de 7,1% en 2023-2024, effaçant ainsi les gains des huit dernières années. Le PIB reculera de 1,4% en 2023 et il ne retrouvera son niveau d’avant la pandémie qu’à la fin 2024. Jeremy Hunt a imputé la situation déplorable de l’économie britannique aux retombées de la guerre en Ukraine et il a nié qu’elle soit la conséquence d’une décision domestique, c’est-à-dire le Brexit.
Léger réchauffement sino-américain.
Les relations entre les deux super-puissances avaient pris une tournure dangereuse après la visite de Nancy Pelosi à Taïwan et les exercices militaires chinois qui ont suivi. Le face-à-face de trois heures entre Biden et Xi Jinping a permis de renouer les liens et il a donné à chacun l’occasion de s’expliquer sur la question de ses intérêts vitaux. On a noté un ton moins agressif de la part des Chinois. Beijing a qualifié la rencontre de “constructive”. Xi, qui participait sans masque à ce sommet, a déclaré que “le monde est assez vaste pour que les deux pays puissent se développer et prospérer de concert”. Il a fait remarquer que “les deux économies sont profondément interdépendantes” et que “la Chine et les Etats-Unis ont plus d’intérêts en commun que moins”. Ce qui est une manière de critiquer la politique de découplage technologique menée par Washington. Les deux pays ont décidé de reprendre leurs relations bilatérales pour discuter du climat, de la sécurité alimentaire et sanitaire et de la stabilité économique. En revanche, ils s’opposent toujours fermement sur les pratiques commerciales chinoises, les droits de l’homme et bien sûr, l’appartenance de Taïwan à la Chine, qui aux yeux de Xi, est la “première ligne rouge à ne pas franchir”.
Le G7 fait entendre sa voix au G20.
C’est une victoire diplomatique majeure des Etats-Unis et de leurs alliés. Le G20 s’est conclu par une déclaration commune mentionnant le fait que “la plupart des leaders condamnent la guerre en Ukraine”. Elle reprend aussi différentes résolutions de l’ONU condamnant l’agression en Ukraine et exigeant le retrait des troupes russes. La Russie, qui avait dépêché Sergueï Lavrov à la place de Poutine, s’est retrouvée totalement isolée. Ce résultat était loin d’être acquis au départ. De nombreux pays, - Turquie, Inde, Brésil, Arabie saoudite – préfèrent conserver de bonnes relations avec la Russie et veulent rester neutres dans ce conflit. Mais le président du pays hôte, l’indonésien Joko Widodo, a adopté une approche très subtile. En qualité de représentant d’un pays émergent, il a contourné la question des responsabilités du conflit pour insister plutôt sur ses retombées, notamment alimentaires, sur les pays pauvres. Les délégations ne pouvaient qu’abonder en ce sens.
Rien ne va plus dans le crypto-casino.
Le monde des crypto-monnaies va de faillite en faillite et révèle de plus en plus sa vraie nature, qui n’est rien d’autre qu’une vaste pyramide de Ponzi bâtie sur du vent. Plus de 2 trillions de dollars – ou d’équivalent dollars - sont déjà partis en fumée. La dernière faillite en date est celle de FTX, la deuxième plateforme de trading au monde, dirigée par Sam Bankman-Fried, qui s’était révélé comme le chevalier blanc du monde des cryptos, sauvant à tour de bras des sociétés au bord de la faillite et défendant le principe d’une plus grande régulation des crypto-monnaies devant le Congrès américain. Il s’avère que FTX avait tout simplement emprunté les dépôts de ses clients pour combler le trou d’une autre plateforme de trading appartenant au même Bankman-Fried. Dès que le pot aux roses fut découvert, FTX s’est retrouvé dans l’incapacité de rembourser les clients qui voulaient récupérer leur argent. Il y aurait au bas mot pour 8 milliards de créances. FTX a été placée sous la procédure “Chapter 11” et le nouveau CEO nommé pour évaluer les dégâts a déclaré qu’il n’avait jamais vu une société gérée de manière aussi fantaisiste en 40 ans de carrière. L’affaire est trop longue et complexe pour être relatée ici mais il paraît que Michael Lewis, l’auteur de “Big Short” va consacrer un livre à cette histoire qui possède tous les ingrédients d’une arnaque grandeur nature et qui de surcroît, touche un secteur qui cherchait à se présenter comme “la finance de l’avenir”.
Twitter au bord de l’implosion.
La prise de contrôle de Twitter par Elon Musk ressemble de plus en plus à un mauvais rêve. Après avoir viré la moitié du personnel, il a lancé jeudi dernier un ultimatum aux restants: “Soit vous vous donnez à fond, soit vous partez”. 1200 employés, dont de nombreux ingénieurs, ont préféré partir. Des départements entiers sont décimés. Dans certains services critiques, il ne resterait plus qu’un ingénieur à bord. D’autres sont carrément en pilotage automatique. Le chaos est tel que des employés licenciés continuent d’avoir accès au système. Vendredi, après avoir annoncé que les bureaux seraient fermés pour trois jours, Musk a appelé les codeurs à le rejoindre pour l’aider à mieux comprendre l’infrastructure de Twitter. Certains en sont tombés des nues. Sans la maintenance dont elle bénéficiait, la plateforme risque désormais la panne à tout moment. De nombreux utilisateurs tentent vaille que vaille de sauver leurs archives. La finale du super Bowl (12 février), traditionnellement le jour le plus actif sur le réseau, sera une épreuve critique. Si Twitter tient jusque là, bien sûr.
Carton jaune pour la Bud, carton rouge pour le Qatar.
Une nouvelle qui va faire plaisir aux quelques centaines de fans belges venus soutenir les Diables Rouges et aux milliers d’autres ayant fait le voyage pour applaudir leurs couleurs. Contrairement à ce qui avait été convenu contractuellement entre la Fifa et la marque Budweiser (AB Inbev), la vente de bières et d’alcool sera interdite aux abords des stades. Elle ne sera autorisée que dans les loges à 20.000 dollars et les fan zones prévues à cet effet. L’accord de sponsoring entre Budweiser et la Fifa s’élève à 72 millions de dollars. Cette volte-face des autorités qataries a été prise à 48h du premier coup de sifflet. Elle vient s’ajouter à d’autres affaires, beaucoup plus graves, concernant cette coupe du monde.
L’obligation de la semaine.
GE Healthcare vient d’opérer une levée de fonds en lançant six souches obligataires libellées en dollars pour des échéances s’échelonnant entre 2024 et 2052. A titre d’exemple, l’obligation à maturité du 15 mars 2030 est émise au prix de 102,278%. Elle offre un coupon de 5,857%, ce qui donne un rendement brut de 5,473% l’an. Proposées par coupures de 100.000 dollars, ces obligations sont de qualité “investment grade”. Les capitaux serviront à financer la croissance de GE Healthcare suite à la scission du géant General Electric en trois sociétés distinctes, spécialisées dans l’aviation, l’énergie et la santé. Ge Healthcare est active dans le domaine de l’imagerie médicale et des systèmes de diagnostic. Elle emploie 51.000 personnes dans le monde.
L’action de la semaine.
On attend notamment les résultats de HP, Dell, Zoom, Analog Devices, Agilent Technologies ainsi que des chinoises Baidu, Meituan et Pinduoduo. Cette semaine, on a appris qu’au cours du troisième trimestre, Berkshire Hathaway (Warren Buffet) avait acquis 60,1 millions d’actions de Taiwan Semiconductor Manufacturing Co (TSM) pour une valeur de 4,1 milliards de dollars. La nouvelle a surpris les analystes dans la mesure où le secteur des semi-conducteurs est globalement dans un cycle baissier. Des sociétés comme Intel, Samsung ou Micron ont toutes annoncé une baisse de la demande liée à un recul des ventes d’ordinateurs et de smartphones. Le secteur est également de plus en plus tributaire des tensions entre la Chine et les Etats-Unis.
Warren Buffet a-t-il acheté trop tôt ou au contraire, a-t-il eu une fois de plus le nez fin en anticipant un rebond économique plus rapide que prévu? Il est vrai que TSM, premier fondeur de puces au monde, n’est pas une société comme les autres. Apple, Nvidia, Sony mais aussi les entreprises “fabless” chinoises comptent parmi ses clients. Elle est la seule société au monde avec Samsung à maîtriser la gravure “3 nanomètres” (250 millions de transistors par mm2). Le titre a baissé de 32% depuis le début de l’année en dépit d’excellents résultats. Au Q3, ses revenus étaient en hausse de 35,9% et ses bénéfices de 80% par rapport à 2021. La menace qui pèse sur Taïwan et la “guerre des puces” qui oppose les Etats-Unis à la Chine expliquent la relative désaffection envers le titre. Warren Buffett, qui achète toujours à la baisse, en a profité. Dès que la nouvelle de son achat a été connue, TSM a bondi de 21% pour finir la journée en hausse de 10,5%.